Le décès du réalisateur de C.R.A.Z.Y., survenu le jour de Noël, a déclenché une onde de choc. En réaction, quelques impressions sur un homme de cœur au talent immense.
La nouvelle atterrante est apparue sur les fils de presse en fin de soirée le 26 décembre : Jean-Marc Vallée est décédé. Comment y croire? Comment accepter le fait qu’à 58 ans, le réalisateur de C.R.A.Z.Y. et Dallas Buyers Club avait déjà prononcé son dernier mot? Le projet de tournage de John & Yoko, sur le fameux bed-in montréalais du couple légendaire, était pourtant sur la table, prêt à tourner.
En mars dernier, Mediafilm souhaitait présenter la candidature de Jean-Marc Vallée au Prix Albert-Tessier. Il fallait, pour cela, obtenir sa permission. Il m’avait répondu : «Merci de penser à moi, pour tes bons mots et pour cet honneur. J’aimerais bien accepter mais le timing n’est pas idéal pour moi. […] On remet ça en 2022 ou 2023 après la sortie de John & Yoko?».
À 58 ans, Vallée avait encore de belles années de création devant lui. C’est derrière lui qu’il faudra désormais regarder, pour comprendre, admirer, mesurer : le volume (impressionnant), la qualité (constante), l’énergie (foudroyante) de sa filmographie centrée sur des combattants de l’ordinaire : «Je suis réceptif aux projets qui parlent de souffrance, de différence, où on mène un combat pour trouver le bonheur. C’est ce qui me parle», m’avait-il dit à l’époque de la sortie en salle de Dallas Buyers Club.
Sans oublier la musique, force vitale de son cinéma. Car Vallée était un DJ phénoménal. De C.R.A.Z.Y., qui venait tout juste d’être remis en circulation grâce au renouvellement des droits musicaux, jusqu’à la série Big Little Lies, en passant par Café de Flore et Wild, il aimait faire parler la musique et cherchait la fusion parfaite entre elle et ses images.
À propos de Wild, basé sur l’histoire vraie de Cheryl Strayed, jouée par Reese Witherspoon, il m’avait dit : «Je trouve que les plus belles histoires, celles qui ont l’air vraies, viennent des gens qui se racontent sincèrement, honnêtement. Je cherche les belles histoires, mais ça ne veut pas dire que je cherche le beau. La beauté, on la retrouve dans la souffrance, dans la misère, dans la bêtise, dans le pardon aussi. J’en veux pour preuve Cheryl. Elle s’est pardonnée. Non pas dans le sens chrétien du terme, mais dans le sens humain. Les histoires vraies comme la sienne, c’est beau. Et c’est rare.»
Jean-Marc Vallée nous laisse avec son histoire vraie, et rare, achevée trop tôt. On passera beaucoup de temps à chercher un sens à sa mort. Je suggère qu’on en consacre au moins autant à donner un sens à sa vie dont le centre était… le cinéma.
Martin Bilodeau
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